Sujet de Thèse
Titre :
Mécanismes cellulaires de la reconnaissance de l'identité faciale chez l'Homme
Dates :
2020/10/01 - 2023/09/30
Encadrant(s) : 
Description :
L'objectif de ce projet de thèse est de caractériser et de comprendre comment l'identité faciale est codée au niveau de petites populations de neurones distribuées dans le cortex ventral occipito-temporal (CVOT), en interaction avec le lobe temporal médian (LTM), au sein du cerveau humain.

Le visage est le stimulus le plus étudié en recherche en neurosciences cognitives, pour diverses raisons. En premier lieu parce qu'il s'agit d'un stimulus très présent dans l'environnement. Chez l'Homme, le visage fournit des indices pour reconnaître les émotions, la direction de l'attention, l'identité, le genre, l'âge de la personne, son origine ethnique, son degré d'attractivité, etc. De plus, c'est un stimulus complexe qui contient plusieurs parties, ce qui est idéal pour étudier la perception dans la modalité visuelle, dominante chez l'Homme. Enfin, les visages forment une catégorie très riche, qui inclut des stimuli très variables et exclut des objets non-faciaux semblables à des visages. Ceci est une des raisons pour lesquelles la recherche en intelligence artificielle sur la reconnaissance des visages est foisonnante, bien que ces systèmes artificiels soient loin d'approcher les performances humaines. Des déficits de reconnaissance faciale sont observés dans de nombreuses pathologies neurologiques (maladie d'Alzheimer, démence sémantique, ...) ou psychiatriques (autisme, schizophrénie...).

Les études de lésions cérébrales, la neuroimagerie et les enregistrements intracrâniens chez l'Homme ont montré qu'un large réseau de régions cérébrales est impliqué dans la reconnaissance des visages, en partie de façon spécifique, avec une latéralisation hémisphérique droite. Comprendre les mécanismes cérébraux de la reconnaissance faciale est dès lors très important pour comprendre l'organisation cérébrale en général, la latéralisation hémisphérique et la spécialisation corticale. La fonction la plus difficile à comprendre est la reconnaissance de l'identité faciale: un jeune adulte vivant dans une société moderne est capable de reconnaître en moyenne 5 000 visages (Jenkins et al., 2018), ce qui est particulièrement difficile compte tenu du fait que les visages peuvent être très semblables, et une identité faciale peut changer de façon importante en fonction des conditions de l'environnement (éclairage, point de vue, etc.). Comment le cerveau humain réalise cette opération de reconnaissance reste à l'heure actuelle un mystère, ce qui nous empêche également de comprendre pourquoi la mémoire des visages est parfois étonnamment déficitaire. Afin de clarifier ces mécanismes sur le plan neuronal, la communauté neuroscientifique se base largement sur des études réalisées chez le macaque (e.g., Chang & Tsao, 2017). Cependant, cette espèce n'est pas très efficace en reconnaissance d'identité faciale et ne possède pas les structures cérébrales similaires à l'Homme pour réaliser cette fonction, rendant ce modèle animal particulièrement inadéquat (Rossion & Taubert, 2019). Clarifier la reconnaissance de l'identité faciale chez l'Homme demande des enregistrements électrophysiologiques à l'échelle des neurones (EEG unitaire) dans le CVOT. Chez l'Homme, ces enregistrements EEG unitaires sont limités et possibles uniquement dans quelques centres cliniques chez des patients épileptiques pharmacorésistants munis d'électrodes intracérébrales. Suite à plusieurs années de développement et avec le soutien de la région Grand Est et de la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau, cette approche électrophysiologique à l'échelle du neurone est maintenant fonctionnelle au sein du groupe « neurosciences des systèmes et de la cognition » qui travaille en collaboration avec l'unité d'épileptologie du CHRU-Nancy. Le/la candidat(e) doctorant(e) réalisera des enregistrements EEG de populations de neurones et de neurones isolés couplés à des stimulations visuelles périodiques dédiées à la reconnaissance des visages. Ces enregistrements se focaliseront sur les structures cérébrales du CVOT qui sont sélectives à ces stimuli et qui auront été définies préalablement par IRMf. Des enregistrements seront réalisés simultanément dans le LTM où des neurones répondant à des stimuli multimodaux (encodés en mémoire à long terme) ont été identifiés récemment (neurone "Jennifer Aniston", Quiroga, 2012). Le/la doctorant(e) utilisera et développera des paradigmes basés sur le principe du marquage par la fréquence (Norcia et al., 2015) pour isoler les réponses EEG unitaires aux visages comparés aux autres stimuli, la discrimination des visages individuels, ou encore la différence entre les visages familiers et inconnus. Il/elle analysera et caractérisera les activités de populations de neurones et de neurones individuels dans le domaine fréquentiel (quantification) et temporel. L'activité de neurones uniques sera isolée à l'aide d'algorithmes d'extraction et de classification de potentiels d'actions développés localement au CRAN et internationalement en collaboration avec R. Quiroga (Leicester University, UK). La comparaison de la nature et des caractéristiques spatio-temporelles des réponses enregistrées dans le CVOT, et entre le LTM et le CVOT, sera un pas décisif dans la compréhension des mécanismes d'encodage des identités faciales chez l'Homme. L'effet de stimulations électriques focales (e.g. Jonas et al., 2018) et globales (tDCS) sera étudié pour évaluer comment le codage de l'identité faciale au sein de régions locales peut être mis en difficulté ou renforcé.

Norcia, A.M., et al. (2015). The Steady-State Visual Evoked Potential in Vision Research: a Review. Journal of Vision, 15(6):4, 1-46.
Chang, L., & Tsao, D. Y. (2017). The code for facial identity in the primate brain. Cell, 169,
1013-1028.
Jenkins, R., et al. (2018). How many faces do people know? Proc Biol Sci., 285 (1888).
Rossion, B. & Taubert, J. (2019). What can we learn about human individual face recognition from experimental studies in monkeys? Vision Research, 157, 142-158.
Jonas, J., et al. (2018). A face identity hallucination (palinopsia) generated by intracerebral stimulation of the face-selective right lateral fusiform cortex. Cortex, 99, 296-310.
Quiroga, R.Q. (2012) Concept cells: the building blocks of declarative memory functions. Nat Rev Neurosci., 13, 587-97.
Mots clés :
identité faciale, enregistrements unitaires, neurones, cortex, stimulation électrique cérébrale
Conditions :
Durée: 3 ans
Employeur: CRAN UMR7039, Département Biologie, Signaux et Systèmes, Projet "Neurosciences des systèmes et de la cognition"
Lieu: CRAN UMR7039, Groupe de recherche en neurosciences système et cognition, Pavillon Krug, Hopital Central, CHRU-Nancy
Rémunération: 92 000¬ pour trois ans

Master (ou diplôme équivalent) en Neuroscience, Science Cognitives, Psychologie, Médecine, or Ingénierie biomédicale.
Département(s) : 
Biologie, Signaux et Systèmes en Cancérologie et Neurosciences
Financement :
Contrat doctoral UL, co-financement région Grand Est
Publications :
doi: 10.1111/nyas.13596; doi: 10.1073/pnas.1522033113; doi: 10.1016/j.neuroimage.2014.06.017    + CRAN - Publications