Sujet de Thèse
Titre :
Etude des effets d'un sevrage in vitro sur la réponse à la chimiothérapie des cellules cancéreuses mammaires
Dates :
2020/10/01 - 2023/09/30
Description :
Les cancers du sein représentent la première cause de mortalité induite par cancer chez la femme (1). On distingue plusieurs sous-types moléculaires, basés sur leur niveau d'expression des gènes codant le récepteur des oestrogènes (ER), de la progestérone (PR) et le récepteur HER2: luminal A et B (ER+, PR+, HER+/-), HER2 (ER-, PR-, HER+) et triple-négatif (ER-, PR-, HER-). De nombreuses options thérapeutiques sont disponibles pour les cancers du sein luminaux et HER2 (hormonothérapie et thérapie ciblée). Par contre, la chimiothérapie conventionnelle à base d'antracyclines (doxorubicine), de taxanes (paclitaxel) ou de CMF (cyclophosphamide, methotrexate, 5-fluorouracile) reste le traitement indiqué pour les tumeurs triple-négatives (2).
Le phénomène de résistance aux traitements est un point commun à tous ces types de cancer et ce, malgré les différentes options thérapeutiques à disposition (3). Dans le cas des tumeurs mammaires triple-négatives, les mécanismes de résistance sont à l'origine de l'échec des chimiothérapies et du fort taux de récidive qui caractérise ce type de cancer agressif. Certaines cellules de la tumeur acquièrent cette résistance au cours des traitements. D'autres, comme les cellules souches cancéreuses mammaires (CSCM) présentes dans la tumeur, ont la capacité de contourner les mécanismes d'action des agents de chimiothérapie. Il est même décrit que leur nombre augmente après chimiothérapie ou radiothérapie (4). Différents types de mécanismes associés à la résistance aux traitements ont été décrits et peuvent être classés en deux catégories : les mécanismes non-cellulaires liés à l'environnement tumoral (faible vascularisation) et les mécanismes cellulaires qui incluent les cibles des molécules thérapeutiques, les enzymes, les systèmes de transport intracellulaires (5).

La résistance aux traitements est un obstacle à l'efficacité des thérapies anticancéreuses et il est de première importance de développer des stratégies pour contourner cet obstacle. Dans ce cadre, nous avons initié une étude portant sur la reprogrammation métabolique des cellules cancéreuses mammaires et son impact sur la réponse aux traitements. En effet, Il est décrit dans plusieurs études précliniques qu'un jeûne ou qu'une restriction calorique permettraient d'améliorer la réponse aux traitements de chimiothérapie. In vitro, la culture de cellules en condition de sevrage in vitro (SIV) correspond à un milieu de culture appauvri en glucose (0,5 g/L) et en sérum (2,5%), et peut permettre de se rapprocher des conditions d'un jeûne thérapeutique in vivo. Cette étude a été financée par la Ligue contre le Cancer fin 2018. Nous avons observé que les cellules cancéreuses mammaires triple-négatives étaient sensibles à des conditions de sevrage in vitro (SIV). En outre, dans plusieurs lignées de cancer du sein triple- négatives, la condition SIV ne potentialisait pas l'effet d'agents de chimiothérapie et pouvait même limiter leur efficacité. Par exemple, les cellules Hs578T placées simplement en condition SIV entrent en apoptose tandis que ces même cellules traitées avec le FEC (5-Fluorouracile/Epirubicine/Cyclophosphamide) en condition SIV, présentent un blocage en phase G2/M mais plus d'apoptose. Il y a donc un échappement à l'apoptose habituellement induite par les traitements de chimiothérapie.
Nos travaux suggèrent donc que le SIV est capable de limiter la croissance tumorale, comme cela a déjà été montré chez la souris lors d'un jeûne thérapeutique (6) mais que dans certains cas, il pourrait aussi contrecarrer l'effet de la chimiothérapie.

L'objectif de la thèse sera de caractériser la reprogrammation métabolique induite par la condition SIV et la résistance au traitement FEC. Nous nous focaliserons sur des lignées de cellules cancéreuses mammaires triple-négatives (Hs578Tet MDA-MB-231).

Dans un premier temps, nous souhaitons étudier les effets de la condition SIV et du FEC lorsque la culture s'effectue en trois dimensions (mammosphères), méthode que nous avons mise au point récemment. Outre l'organisation des cellules en sphéroïde, les mammosphères permettent un enrichissement en cellules souches cancéreuses (CSC), qui sont souvent résistantes au traitement et à l'origine de récidives (7).
Les mammosphères, en cours de formation après 4 jours de culture, seront cultivées en condition standard ou en condition SIV, en présence ou en l'absence de FEC pendant 3 jours. Les mammosphères étant habituellement cultivées dans un milieu DMEM/F12 sans sérum, la condition SIV correspondra au milieu de culture complémenté avec 0,5 g/L de glucose et sans EGF. Le nombre de mammosphères restantes après 3 jours de traitement et leur diamètre seront mesurés. Nous suivrons l'expression des marqueurs d'apoptose, d'autophagie et de sénescence. Nous évaluerons également la proportion de CSC dans les différentes conditions de culture par cytométrie en flux (marquage CD44+/CD24-/ESA+) et par le suivi de l'expression de marqueurs de totipotence (Oct4, Nanog, et Sox2) (8). Ces données seront essentielles afin de déterminer si les cellules organisées en sphéroïdes répondent de la même façon que les cellules cultivées en monocouche (2D).

Dans un deuxième temps, nous réaliserons une étude transcriptomique afin d'identifier les signatures moléculaires des cellules soumises au SIV. Les cellules seront traitées pendant 16 heures avec 1 µM de FEC ou non traitées (NT). Les cellules cultivées en 2D et les mammosphères seront récupérées afin d'extraire les ARNs. Les puces seront hybridées et scannées (Technologie Agilent) sur le plateau technique « Biologie Moléculaire et Toxicologie » de la Faculté de Pharmacie de Nancy. Le laboratoire possède l'expertise pour la réalisation de ces étapes. Les profils moléculaires obtenus seront comparés et regroupés de façon non supervisée à l'aide de logiciels libres en ligne (GeneCluster et JavaTreeview). L'analyse des données se fera à l'aide de logiciels d'annotation en ligne (Gene Ontology, DAVID, PANTHER, GSEA, FuncAssociate...). Les variations d'expression de certains gènes-cibles d'intérêt seront ensuite confirmées par RT-qPCR. L'importance de ces gènes sera validée par surexpression/invalidation.
En conclusion, ce travail devrait permettre d'identifier de nouvelles cibles moléculaires capables de lever la résistance ou de la prédire.
Mots clés :
cancer du sein, chimiothérapie, métabolisme, résistance
Conditions :
Le sujet de thèse est envisagé sur trois années.
Le financement demandé est un contrat doctoral (ED BioSE).
Le travail sera effectué au sein du département BioSiS du CRAN, projet SticMo, Faculté des Sciences et Technologies entrée 1B étage 8-9.
Le candidat devra être titulaire d'un master en sciences du vivant ou assimilé. Une première expérience dans les techniques de culture cellulaire, de cytométrie en flux et d'analyse d'expression des gènes est souhaitée.
Département(s) : 
Biologie, Signaux et Systèmes en Cancérologie et Neurosciences
Financement :
Contrat doctoral ED BioSE